Carrie est ailleurs lors de son dernier cours de la journée. C’est de la faute de son prof. D’abord, il l’ennuyait à raconter des choses que Carrie trouvait évident. Et les minutes ont défilé, il est devenu carrément irritant. Alors Carrie a décidé d’arrêter de l’écouter. Elle fait acte de présence, c’est déjà bien, mais ce n’est pas le cours qu’elle pianote sur son ordinateur. Elle traine sur les divers réseaux sociaux sur lesquels elle est en vogue, elle regarde des conneries. Ça l’occupe au moins. Et ça lui évite de penser à des choses plus sérieuses. Comme son attirance inexpliquée pour un homme qui a quasiment le double de son âge. Par exemple. Ou alors la tenue qu’elle mettra à la soirée prévue ce week-end. Si, c’est sérieux aussi. Les fringues, c’est toujours sérieux. Carrie ne prend pas son look à la légère, elle prend soin d’elle. C’est important, surtout pour une fille comme elle. Ça fait pas pour autant d’elle quelqu’un de superficiel… Ou peut-être que si. Mais qui peut le lui reprocher ? Elle est toujours tellement mignonne avec son grand regard de biche étonnée. Tant pis s’il lui faut être un peu superficielle pour être encore plus mignonne. Au final, Carrie passe presque une heure à glander sur son ordinateur. Elle ne remarque même pas la fin du cours et se rend qu’au dernier moment que tout le monde est en train de quitter l’amphithéâtre. Oops. On dirait qu’elle va être la dernière à sortir d’ici. Elle rassemble rapidement ses affaires, fourre tout dans son sac. Pas très patiente, Carrie décide malgré tout de laisser tout le monde passer d’abord. Elle n’a pas envie de jouer des coudes pour gratter quelques places dans la queue qui se forme au niveau des portes. Et avec un peu de chance, quelqu’un la laissera passer. Mais ça n’arrive pas. Carrie est bel et bien la dernière personne à quitter l’amphi ce jour-là. Encore heureux que sa journée soit finie, elle serait déjà en train de pester autrement ! D’un autre côté, il n’en faut pas beaucoup à Carrie pour qu’elle se mette à râler. Quoi qu’il en soit, quand elle arrive enfin à sortir de là, elle tombe nez à nez avec quelqu’un. Un homme. Plus âgé qu’elle, plutôt séduisant même si ça ne vaut pas l’effet que lui fait monsieur Fernandez. Il n’a pas l’air d’être un élève, pas à son âge. Peut-être un prof pour le cours suivant ? Elle décide de ne pas y faire plus attention et d’écourter ce moment gênant où on se trouve face à face avec un parfait inconnu. « Pardon. J’étais un peu ailleurs et vous étiez en plein milieu du chemin. » Avec un sourire poli, Carrie s’écarte et commence à s’en aller. Elle tient à rentrer avec son père pour lui préparer un bon petit plat. Elle adore faire ça, cuisiner. Enfin, que pour son père. C’est le seul qui a le droit à ce privilège. Pour quelqu’un d’autre, Carrie est rarement disposée à faire des efforts pareils.

Le bruit des balles sifflés dans mes oreilles alors que je voyais ses hommes perdre leur vie dans une guerre qui ne devrait pas être. Alors que je sursautais dans mon lit, je passais une main sur mon visage en sueur alors que je reprenais lentement le dessus d'un cauchemar qui se faisait de plus en plus présent. J'espérais à chaque fois que cela soit le dernier mais je savais également qu'il fallait que je travaille sur moi pour passer à autre chose. Je soupirais légèrement alors que je me levais enfin, la journée allait être longue même très longue surtout avec ce que j'avais appris en cherchant des papiers dans le bureau de ma mère. Depuis deux jours,  tout se mélanger dans ma tête comment ma mère avait-elle pu faire ce qu'elle avait fait. Elle avait une fois quitter mon père ne donnant plus de nouvelles pendant plus plusieurs années avant de revenir à la maison comme si de rien n'était. Mais ce n'était pas le pire, elle avait créé une nouvelle famille, une petite fille était née et elle l'avait abandonné... J'en voulais à ma mère de nous avoir tenu à l'écart de cette famille et de cette petite fille qui aurait pu faire parti de notre vie et famille. Après quelques recherches grâce à l'aide d'un ami, j'avais eu un peu quelques information apprenant qu'elle était en ville et qu'elle était étudiante. Peut-être connaissait-elle sa sœur, notre sœur sans le savoir... Pour le moment, je n'en avais pas parlé du tout, je voulais savoir si cette jeune femme était au courant de tout ça et surtout comment gérait-elle le fait que sa mère l'avait abandonné... Après un bon petit déjeuné et m'être habillé, je pris la direction de l'université ou j'espérai trouver celle qui était aujourd'hui ma sœur. J'avais bien pris soin de mémoriser son visage sur l'une des photos que j'avais trouvé et je m'étais mis à chercher la jeune femme. Deux trois questions posées et j'avais un indice, elle se trouvait certainement à l'amphi, une fois devant la porte, je regardais les personnes sortir avant de m'avancer et de me retrouver nez à nez avec elle. « Pardon. J’étais un peu ailleurs et vous étiez en plein milieu du chemin. » Je répondis à son sourire avant de la suivre du regard « Excusez-moi ! Vous êtes bien Carrie Miller ? » Je ne pensais pas me tromper, elle avait le regard de notre mère à moins que je me faisais des films, je ne savais pas trop mais elle avait les même traits que notre sœur et notre frère.

Carrie a envie de rentrer, elle ne veut plus entendre parler des cours pour aujourd’hui. Elle a assez donné pour la journée, merci. Et puis, elle peut faire des pauses de temps en temps. Ce n’est pas comme si une journée d’inattention allait faire chuter ses notes à la fin de l’année. Carrie gère. Elle le sait. Non seulement elle a un don inné pour tout ce qui est scolaire mais en plus elle travaille sérieusement derrière. Ça ne peut qu’être concluant. Elle est fière. C’est une des manières qu’elle a de se valoriser. Surtout aux yeux de son père. Combien de fois est-ce qu’il a dit d’elle que c’était un génie ? Il n’y a rien de mieux à entendre de la bouche de son père. Carrie a de la chance d’avoir un homme comme lui dans sa vie. A défaut d’avoir une mère, Carrie a un père parfait. Qui sait, elle a peut-être gagné au change. Quoi qu’il en soit, il ne lui tarde de rentrer chez elle pour retrouver son paternel et lui préparer quelque chose à manger. Elle manque de percuter quelqu’un, s’excuse. Ça devrait s’arrêter là, elle devrait continuer sa route. C’est d’ailleurs ce qu’elle fait avant de se stopper net en entendant son nom. Comment il sait ça, lui ? Carrie se retourne sur l’homme qu’elle a pris pour un professeur et pose un regard suspicieux sur lui. Elle est certaine de ne l’avoir jamais vu. Pas même croisé. Ou alors Alzheimer la guette déjà. « Euh… Ouais ? » Elle pose une main sur sa hanche. Une vraie petite diva. « On se connaît ? » Elle sait déjà la réponse mais pose la question quand même histoire d’avoir une explication. Pour le coup, elle est méfiante. Oh, elle ne risque rien. Ce n’est pas comme s’il avait l’air dangereux. Et puis, ils sont dans un lieu public encore grouillant d’étudiants. Mais quand même, son père lui a appris à ne pas faire confiance aux inconnus. « Vous me suivez sur Instagram, c’est ça ? » C’est la seule explication logique qui lui vient. Ce serait possible. Carrie a pas mal d’abonnés, ce n’est pas comme si elle les connaissait tous. Cependant, il n’a pas l’air d’avoir l’âge pour trainer sur les réseaux sociaux. Encore moins sur l’Instagram de Carrie qui contient des photos de sa tête et de celles de ses potes, de ce qu’elle mange, de ce qu’elle porte… Bref, rien qui pourrait l’intéresser à première vue.

Le regard sur la jeune femme face à moi, je me demandais comment elle allait prendre le fait qu'on était de la même famille, que la femme qui l'avait abandonné était ma mère mais qu'elle avait fait la même chose avec nous alors qu'elle concevait cette fille qui était aujourd'hui notre sœur. Je pouvais voir qu'elle n'était au courant de rien et puis c'était un peu normal quand on savait que la mère les avait quitté elle et son père pour reprendre la vie de famille qu'elle avait avant. J'interpellais la jeune femme en l'appelant par son prénom afin de savoir si je ne me trompais pas. Au vue de son regard, j'en étais persuadé maintenant. C'était bien elle. Ma sœur était bien présente. « Euh.. Ouais ? » Je l'observais pendant quelques secondes, elle avait une façon d'être qui me fit légèrement sourire « On se connait ? » Pas encore ça c'était sûr mais cela allait très vite changer « Vous me suivez sur Instagram, c'est ça ? »Instagram c'était quoi ça ? Il allait vraiment falloir que je me mette à jour mais avec l'envie de retrouver la mémoire et d'oublier tout ce qu'il s'était passé, il allait en passer du temps. Un bruit sourd me fit tourner rapidement la tête, il m'arrivait par moment de ressentir cette peur qui vous vous prend au plus profond des tripes alors que vous savez que la mort n'est pas très loin. « Non on ne se connait pas... et je ne vous suis pas sur Insta-machin... Je suis Ciaran Harriston. Est-ce que nous pouvons aller quelque part d'autre que devant cette porte. C'est assez important.. Ne prenez pas peur.. Il faut que je vous parle d'une personne de votre famille... » Je n'allais pas lui dire directement que c'était de sa mère.. notre mère que je devais lui parler. Je suivis la jeune femme qui avait l'air de se poser beaucoup de question, tandis que je l'observais, je me rendais compte qu'elle avait certaines expressions de notre sœur. C'est à ce moment précis que mon téléphone se mit à vibrer, je le pris en main pour lire un message de ma mère.. quand on parle du loup on en voit toujours la queue.. c'est ce qu'il se disait et j'en avais une fois la preuve. Je soupirai tout en le rangeant sans même lui répondre, c'était toujours la même chose depuis que j'avais découvert la vérité. Elle me suppliait de lui pardonner mais aussi de ne rien dire à personne, elle se foutait vraiment de moi, ce que j'avais vécu m'avait fait encore plus prendre conscience qu'il faut être vrai et franc. C'était ce que j'avais toujours fait et encore plus maintenant alors que j'avais vu la mort de prêt. Personne n'allait me dicter mes gestes et paroles encore moins une femme qui avait menti toute sa vie. Alors que nous arrivions dans un endroit un peu à l'écart mais avec du monde autour de nous, je m'installais sur le banc aux côtés de la jeune femme. « Merci beaucoup de prendre le temps de m'écouter... »

Carrie trouve étrange la manière qu’a ce type de la regarder. Comme s’il savait quelque chose… Comme s’il en savait trop, en fait. Elle n’aime à vrai dire pas du tout cela. Déjà, il connaît son prénom alors qu’elle n’est même pas capable de reconnaître ce visage. Ensuite, il semble bien décidé à lui parler. Qu’est-ce qu’il peut bien lui vouloir ? Par reflexe –l’instinct sûrement-, Carrie regarde autour d’elle si elle ne connaît pas quelqu’un. N’importe quelle bouée de sauvetage sera bonne à prendre s’il s’avère que ce mec est un abonné Instagram très lourd. Même si, bon, cette hypothèse ne paraît toujours pas très plausible aux yeux de Carrie. Son cerveau turbine mais elle n’en trouve pas d’autres. Il ne tarde pas à lui confirmer qu’il n’est pas sur Instagram. Alors quoi ? Il se présente ensuite. Même son nom ne dit absolument rien à Carrie, c’est un total inconnu. Il lui propose d’aller ailleurs, de ne pas prendre peur… Comment elle est censée avoir confiance, là ? Mais elle s’alarme tout de suite quand il lui dit que c’est au sujet de quelqu’un de sa famille. Son père. Ça ne peut être que lui. Est-ce qu’il a un problème ? Carrie blêmit. Il est tout ce qu’elle a, sa seule famille. S’il lui est arrivé quoi que ce soit, elle risque de ne pas s’en remettre. Interdite, elle l’observe sur son téléphone. Qu’il lui dise, là, maintenant, et tout de suite. Le suspense va la tuer. Il l’entraine à l’écart, Carrie s’effondre sur le banc le plus proche. Il la rejoint, la remercie. Pourquoi d’ailleurs ? Elle a du mal à comprendre. En fait, elle veut juste qu’il crache le morceau. Elle n’en peut plus, elle va littéralement faire une attaque s’il ne parle pas maintenant. « Dites-moi. » Elle essaye de se montrer pleine d’aplomb et d’assurance, Carrie ne veut pas plus se donner en spectacle en se liquéfiant sur place. « Qu’est-ce qu’il s’est passé ? Qu’est-ce qu’il a ? » La réponse ne lui semble pas venir assez vite, elle s’impatiente. « Ce n’est rien de grave, pas vrai ? » Elle est à deux doigts de le secouer comme un prunier pour qu’il parle enfin. A son tour, Carrie sent son portable vibrer. Un SMS. De son père… Il lui demande ce qu’ils mangent ce soir. Visiblement, rien d’anormal n’est à constater chez son père. Changement d’attitude radical, Carrie redouble de méfiance. « Vous êtes sûr que vous vous êtes pas trompé de Carrie Miller ? C’est assez courant, je crois. » L’air de rien, elle s’écarte un peu. Elle finit par arriver au bout du banc. Ce mec est bizarre.