La journée avait été longue et épuisante. Ce genre de journées où tu as mille commandes, des clients exigeants et malpolis et des gamins qui hurlent pour que leurs parents cèdent à leur caprice de petit gourmand. Bref, le type de journée pour lesquelles l'heure de fermer boutique résonne comme une grâce accordée par une intervention divine.

J'étais donc en train de passer la serpillière et avais fermé la porte à clé, bien que les passants puissent encore voir l'intérieur car je n'avais pas baissé la grille. J'aimais bien laisser la vitrine en évidence, pour donner envie à quelques gourmands de s'arrêter et pourquoi pas, décider d'entrer. Je remis mon balai dans le seau d'eau dans le cagibi de l'arrière boutique et pris mon blouson et mon sac.

Aries venait de partir et j'étais la dernière. Je vérifiais donc une dernière fois que toutes les lumières étaient éteintes puis, j'ouvris la porte d'entrée. Alors que j'étais en train de fermer à clé, une jeune femme s'approcha de moi et je lui souris en voyant qu'elle aurait voulu entrer.

- Mince, vous vouliez quelque chose? Je suis en train de fermer mais je peux faire une exception pour les petites faim.

J'essayais toujours d'être arrangeante et généreuse avec les clients, surtout quand je ne connaissais pas leurs visages. J'espérais qu'ils parleraient de Let them eat cake à des connaissances. Le bouche à oreille était la meilleure publicité qui puisse exister.

Apercevant un client sortir de la pâtisserie au bout de la rue, Jill accéléra le pas - un peu hein, elle ne voulait pas non plus se ramasser avec ses talons - pour arriver avant la fermeture. Elle avait une interview à faire, en fait un article même qui paraîtrait dans le journal, une première pour la jeune femme en tant qu'étudiante, une occasion à saisir donc. Bon, il est vrai qu'elle aurait pu prévenir les employés de sa venue ou même se renseigner sur les horaires d'ouverture de la boutique mais... elle ne l'avait pas fait. Son truc à elle, c'était plutôt de passer directement aux choses et non de passer par quatre chemins pour arriver à ce qu'elle voulait. Cela excluait donc les étapes qu'elle ne jugeait pas utiles. Enfin bref, elle espérait donc que le lieu était encore ouvert car le Beauchamp n'avait pas envie de devoir revenir une autre fois.
Arrivant finalement devant la porte, elle se colla à la vitre pour voir s'il y avait encore quelqu'un à l'intérieur - car oui c'était fermé, ça venait de l'être en tout cas - et par chance, une femme apparut, lui proposant d'entrer si elle voulait quelque chose. Esquissant un sourire, Jill acquiesça avant d'entrer, répondant par la même occasion à la pâtissière. "Merci. En réalité, je suis venue car j'aimerais un article sur votre boutique si vous le voulez bien." Elle fit quelques pas jusqu'au comptoir où étaient exposés des cupcakes qu'elle observa avant de se retourner vers son interlocutrice, affichant un sourire purement poli. "Je m'appelle Jill Beauchamp et je suis étudiante en journalisme." Autant se présenter, après tout elle pouvait croire à une blague, même si Jill avait l'apparence d'une femme et d'une journaliste, sans le micro et le caméraman bien sûr. Elle sortit un petit bloc note de son sac ainsi qu'un stylo noir, sans attendre la réponse de... était-elle la gérante au moins ? Elle savait que la réponse ne serait pas négative, de un parce qu'un article, ça faisait de la pub et que, pour un magasin comme celui-ci, ça ne pouvait qu'être bénéfique mais surtout car cette femme transpirait de sympathie et de générosité, ça se voyait à dix mètres. Et ça en était presque navrant... pour quelqu'un comme Jill bien sûr.