Depuis que je suis sorti de l'hôpital, je n'ai pas eu une seule nuit pour moi, pour pouvoir vagabonder comme bon me semblait, pour pouvoir errer dans les rues de LA sans que personne ne s'interroge sur mon cas. Alors j'ai décidé que ce soir, je sortirai. Je profiterai de la brise fraîche, des étoiles, de la lune et des fantômes de la nuit.
Ce soir, je me promène pour moi, pour me sentir bien, pour vivre. Parce que c'est pas quelque chose dont j'ai l'habitude et on m'a demandé, en sortant de l'hôpital, de ne pas hésiter à tester de nouvelles choses. Moi, je teste de vivre. Apparemment, pas mal de gens aiment ça. Apparemment, pas mal de gens en profitent à fond. Ce n'est pas un concept que je comprends très bien, mais ça ne me dérange pas d'apprendre.
En fait, je n'attends que ça.
Apprendre à vivre.

Je décide de me rendre près de la plage et de la mer. Ça fait longtemps que je ne les ai pas vue. Je n'ai jamais été un grand fan de plage quand j'étais en Australie. Je n'ai jamais été un grand fan de plage quand j'ai débarqué à Crystal Cove. Je ne suis toujours pas un fan de plage, mais apparemment, ce soir, c'est un soir de changement. Ce qui ne change pas, par contre, c'est mes TOCs. Je m'arrête à un passage piéton, le feu est rouge, il n'y a aucune voiture, mais j'attends quand même. J'attends toujours. Quand le feu passe au vert pour moi, je ne marche que sur les bandes blanches. Si je dois sauter entre chacune d'entre elles, je le fais. Oui, j'ai l'air stupide. Non, je n'y peux rien. Oui, j'ai déjà essayé d'arrêter, mais c'est plus fort que moi.

Et puis d'un coup sec. Ouf. Quelqu'un m'a grimpé dessus. Je reconnais cette voix et je souris, même si elle ne peut pas me voir. C'est Faith, elle me reproche de ne pas l'avoir prévenue. Pour être honnête, je n'ai prévenu personne. Ce n'était pas glorieux d'être dans un hôpital psychiatrique, ce n'était pas glorieux d'en sortir. Quand elle descend, je me retourne pour lui faire face. « Je ... Je su-suis désolé. » Je bafouille. Avec Faith, même si je suis plus ou moins à l'aise, j'ai du mal à ne pas bégayer ou ne pas mâcher mes mots en sa présence. Je l'adore, mais j'ai toujours un peu de mal. Je crois que c'est parce que je ne comprends pas. Je ne comprends pas pourquoi elle reste avec moi. Je ne fait rien et je ne pas lui apporter quelque chose de bon, pourtant, elle est quand même venue me voir régulièrement, à l'hôpital.

« Je ... Je ... ne voul-voulais pas te-te ... te déranger. » Je lui souris timidement en enfonçant tes mains dans tes poches. « Co-comment tu ... vas ? » J'essaie de paraître plus assurer que je ne le suis, mais je ne suis pas certain que cela fonctionne réellement, tant pis. Depuis le temps que je traîne avec Faith, elle connaît tous mes défauts, tous mes TOCs et tous mes problèmes mentaux, tant pis.

Je ne dérangeais jamais, hein ? Ce n'était pourtant pas comme ça que je le ressentais, moi. Presque un an plus tôt, j'avais tenté de mettre fin à mes jours parce que je me sentais inutile, vulnérable, faible et surtout de trop. De trop, une place inutilement utilisée par mon corps. Je ne comprends pas pourquoi Faith est aussi gentille avec moi, mais je la remercie. Je n'ai jamais vraiment réussi à le formuler à voix haute, mais je la remercie du fond du cœur et j’espérais qu'elle le savait. A vouloir protéger tout le monde, j'ai fini par me blesser et c'est là, qu'elle est arrivée, Faith avec sa bonne humeur, ses câlins et ses petits bisous. Je ne suis pas certain qu'elle comprenne très bien à quelle point ça me fait du bien qu'elle soit là, qu'elle soit dans ma vie.

Je commence à marcher sur la digue, son bras sous le mien, sans destination précise, mais ça, on s'en fout royalement. J'étais venu pour être seul, au début, mais être seul, c'est nul, je me dis que je ne préfère pas ça, alors encore une fois, je suis vraiment content qu'elle soit là. Elle me parle de ses démons et je crois que mieux que quiconque, je la comprends, je la comprends tellement bien. Elle me parle de l'homme dont elle est amoureuse. « Faith, pourquoi l'amour ... pourquoi ... c'est compliqué comme ça ? », dis-je sans vraiment réfléchir, d'une voix plus ou moins posée. Je pense à mon ex que je n'avais pas vu depuis des années qui a débarqué le soir de ma tentative de suicide et sans qui, je serai sans doute mort à l'instant présent. Et puis, je pense à ce petit brun bouclé aussi. Puis je secoue la tête de droite à gauche, pourquoi je pense à lui soudainement ?

« Moi ... Moi, ça ... ça va. » Je soupire avant d'ajouter : « Je crois. » Non, je n'en suis pas certain. C'est difficile de sortir de l'hôpital et de me réhabituer à la vie en société. Même si j'ai des consultations chez le psychiatre deux fois par semaine, ça me stresse de reprendre la vie comme elle est parce que je me rends compte qu'elle ne s'est pas arrêtée, qu'elle n'a pas fait de pause pour moi et qu'elle a simplement continué son cours. Alors je suis toujours un peu déboussolé, toujours un peu perdu.
Mais ce sentiment-là, je ne suis pas sûr qu'il s'en ira un jour ...